Les risques liés aux transferts monétaires
L’utilisation des transferts monétaires comporte-t-elle des risques ?
Comme tout type d’aide humanitaire, les transferts monétaires comportent des risques et des défis. Il est donc important d’identifier les risques potentiels et de mettre en place des mesures d’atténuation pour garantir que les personnes touchées par des crises puisse bénéficier d’une aide humanitaire sûre et efficace.
L’idée fausse selon laquelle les transferts monétaires sont plus risqués que d’autres formes d’aide pourrait potentiellement entraver la croissance des programmes de transferts monétaires, et ce malgré de nombreuses données démontrant l’inverse. De nombreux risques liés aux transferts monétaires sont identiques dans d’autres types d’assistance humanitaire..
Transferts monétaires et risques associés – La réalité
Réalité 1: Les transferts monétaires ne sont pas intrinsèquement plus risqués que les autres formes d’aided.
Contrairement aux idées reçues, les transferts monétaires ne sont pas intrinsèquement plus risqués que les autres formes d’aide humanitaire. En effet, les risques liés à l’aide humanitaire sont souvent liés au contexte plutôt qu’au type d’aide utilisée.
En réalité, même si les transferts monétaires comportent des risques similaires à ceux d’autres formes d’assistance, ils ont souvent l’avantage d’être plus faciles à suivre que les biens et services en nature. Par ailleurs des normes plus élevées de suivi et de contrôle sont souvent appliquées aux transferts monétaires, ce qui révèle les risques liés à toutes les formes d’assistance ainsi que les risques spécifiques aux transferts monétaires.
De nombreux risques peuvent être facilement atténués. La meilleure stratégie globale d’atténuation des risques consiste à faire participer les bénéficiaires et les groupes communautaires potentiels dans la conception d’une intervention en transferts monétaires pour s’assurer qu’elle puisse satisfaire leurs besoins et relèver les défis auxquels ils sont confrontés. Des exemples pratiques de cette approche centrée sur les personnes sont expliqués dans ce cours de la Fédération internationale des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (FICR).
Réalité 2: Il est plus facile de tracer les transferts monétaires que les autres formes d’aide
Les transferts monétaires permettent souvent une meilleure traçabilité que l’assistance en nature, ce qui permet de les soumettre à un suivi beaucoup plus rigoureux. L’utilisation de processus de versement numérique, tels que l’argent mobile, permet de suivre les flux financiers jusqu’aux bénéficiaires.
Réalité 3: Les transferts monétaires sont rarement gaspillés pour l’achat d’articles tels que des cigarettes et de l’alcool
Les craintes que les transferts monétaires soient dépensés pour des « biens de tentation » tels que de l’alcool et/ou des cigarettes sont généralement infondées. Les faits montrent que les bénéficiaires utilisent les espèces pour satisfaire leurs besoins fondamentaux, améliorer leur diversité alimentaire, acheter des manuels scolaires pour leurs enfants, faire face aux frais médicaux, rembourser leurs dettes et couvrir d’autres dépenses essentielles.
Réalité 4: Les transferts monétaires réduisent les risques de vol
Les recherches montrent que les transferts monétaires ont plus de chances d’atteindre les bénéficiaires prévus que l’aide alimentaire. Lorsqu’il s’agit d’argent numérique, il y a moins d’intermédiaires que c’est le cas pour d’autres formes d’assistance. De plus, ils sont davantage traçables et peuvent être versés directement et discrètement sur les comptes bancaires ou sur les téléphones portables des bénéficiaires, parfois sans même que les autres membres de la communauté ne sachent que les personnes ont bénéficié d’un soutien
Réalité 5: Les transferts monétaires permettent de soutenir et de stimuler l’économie locale
Certaines personnes craignent que le fait de fournir des transferts monétaires risque de perturber les marchés locaux. Les évaluations du marché sont utilisées pour garantir que le marché dispose des biens que les personnes sont susceptibles de vouloir. Les faits montrent que les transferts monétaires stimulent les marchés locaux, les bénéficiaires dépensent des espèces localement et encouragent ainsi les investissements supplémentaires des marchands ainsi que l’économie locale. Les espèces dépensés par les bénéficiaires de transferts monétaires peuvent avoir un effet multiplicateur situé entre 1,5 et 2,13 dollars US.
En revanche, l’assistance en nature peut perturber les marchés locaux en introduisant des approvisionnements concurrents.
Réalité 6: Les transferts monétaires encouragent l’activité économique des personnes
Certains craignent que les transferts monétaires conduisent à de la « paresse » chez les bénéficiaires, mais ce n’est pas le cas. Les recherches montrent que les transferts monétaires ne réduisent pas les heures travaillées par les bénéficiaires. Au contraire, des études montrent que lorsque ces programmes influencent les niveaux de travail, c’est généralement dans un sens positif.
Myth: you cannot just give people in poverty money. Truth: https://t.co/2Yj1Fp5yyf pic.twitter.com/hbSryPg3qM
— GiveDirectly? (@GiveDirectly) July 28, 2023
Atténuer les risques liés aux transferts monétaires
Comme pour toute forme d’aide humanitaire, il est important d’évaluer si les transferts monétaires constituent un type d’assistance pertinent pour une réponse spécifique et de considérer les risques potentiels encourus. Les acteurs humanitaires doivent veiller à minimiser tout risque pour les personnes qu’ils servent.
Risques et mesures d’atténuation
Voici quelques-uns des risques et des mesures d’atténuation que les acteurs humanitaires peuvent utiliser.
Risque de vol ou de détournement :
Lorsque les transferts monétaires sont dérobés sous la menace ou la coercition ou remis à des bénéficiaires involontaires.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- Créer des systèmes d’identification et d’enregistrement des bénéficiaires.
- Mettre en œuvre des systèmes de participation des bénéficiaires, y compris des mécanismes de plaintes, de commentaires et de prise en charge.
- Séparer les tâches entre les départements ou les personnes.
- Déterminer s’il est approprié de rendre publics les décaissements.
Risque de duplication de l’aide ou de laisser des lacunes :
Lorsqu’une personne est inscrite plus d’une fois dans un programme ou inversement lorsque les personnes éligibles à l’aide ne sont pas incluses.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- Communiquer avec d’autres acteurs, tels que les organisations humanitaires, les communautés, les autorités, le gouvernement et les acteurs de la protection sociale, pour coordonner leur réponse.
- Utiliser des données contextuelles pour identifier les populations dans le besoin, en particulier celles qui ne sont pas soutenues par d’autres organisations.
- Travailler avec les structures locales, nationales et humanitaires pour éviter d’affaiblir les systèmes existants.
- Participer aux Groupes de Travail sur les Transferts Monétaires (GTTM).
Risque d’abus de pouvoir de la part des agents des prestataires de services financiers (PSF) :
Lorsque les agents des PSF utilisent leur position pour voler de l’argent aux bénéficiaires, facturer des frais supplémentaires, refuser des services et/ou partager les données des bénéficiaires.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- S’assurer que les bénéficiaires savent à quoi s’attendre, quand s’y attendre et quels sont leurs droits.
- Veiller à ce qu’il existe des canaux de communication clairs permettant aux personnes de faire part de leurs inquiétudes et d’y répondre.
- Concevoir le programme pour inclure une formation et des informations sur l’éducation financière.
- S’assurer que les ressources sont budgétisées pour gérer activement la relation avec les PSF.
- Veiller à ce que les responsabilités des PSF soient reflétées dans leur contrat et répercutées sur les agents.
- Promouvoir un comportement professionnel de la part des PSF et de leurs agents en incluant des Codes de Conduite dans les contrats.
- Connaître les sous-traitants des PSF pour garantir que les accords reflètent également leurs responsabilités contractuelles et leur respect des Codes de Conduite et des comportements éthiques.
- Travailler avec les acteurs du développement et de la protection sociale pour identifier les initiatives qu’ils ont avec les PSF et les réseaux d’agents dont vous pourriez bénéficier.
- Diversifier les PSF, en se basant sur les informations des cartographies des PSF entreprises par les agences ou un GTTM.
Risque pour la sûreté et la sécurité des bénéficiaires, des communautés et du personnel :
Lorsque la sûreté et la sécurité des personnes pourraient être menacées par l’existence d’un programme, par exemple lorsque les bénéficiaires doivent parcourir de longues distances pour bénéficier des espèces, lorsque des tensions apparaissent si tous les membres de la communauté ne reçoivent pas de soutien ou lorsque le personnel doit se rendre dans des zones peu sûres pour administrer le programme.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- Travailler étroitement avec les acteurs de la protection et d’autres agences de mise en œuvre pour comprendre les mesures que d’autres prennent.
- Dialoguer avec les personnes vulnérables pour identifier les risques auxquels elles pourraient être confrontées à chaque étape du cycle du programme.
- Effectuer des évaluations d’analyse des options de réponse (disponibles dans la bibliothèque du CALP).
Risque de violations des données personnelles :
Lorsque des personnes non autorisées accèdent aux données collectées dans le cadre de la distribution des transferts monétaires.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- Utiliser la boîte à outils sur la gestion responsable des données du CALP pour obtenir des conseils pertinents à chaque étape du cycle du programme.
- Mener une évaluation d’impact sur la protection des données et de la vie privée.
- Collecter uniquement le minimum de données nécessaires, en les cryptant avant de les stocker et en les supprimant une fois l’objectif atteint.
- Signer des accords de partage de données avec toute personne fournissant et/ou recevant des données.
- Se coordonner avec d’autres agences de mise en œuvre au niveau du cluster et du GTTM pour garantir des pratiques cohérentes en matière de responsabilité des données.
Risque d’influencer les mouvements de population :
Lorsque des personnes se déplacent de zones qui ne bénéficient pas d’un soutien vers des zones pouvant être couvertes par une intervention en transferts monétaires.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- Utiliser les conseils de ciblage détaillés disponibles.
- Travailler avec les autorités et les communautés avant les distributions pour gérer les attentes.
- Faire preuve de vigilance lors de la diffusion de messages d’informations publics pour éviter de créer des facteurs d’attraction.
Risque de financement d’acteurs non-étatiques armés ou terroristes :
Lorsque les personnes, généralement les autorités, perçoivent que les transferts monétaires soutiendront des acteurs non-étatiques armés ou seront utilisés pour financer le terrorisme.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- S’adresser aux autorités qui soulèvent la question pour comprendre leurs préoccupations spécifiques.
- Assurer une réponse coordonnée en s’engageant avec les organes de coordination humanitaire.
- Respecter les directives internationales et nationales en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-CFT), qui sont résumées dans un rapport du CALP ici.
Le risque de distribution des transferts monétaires pourrait entraîner des hausses de prix ou des pénuries de biens et de services :
Lorsqu’une distribution de transferts monétaires augmente la quantité d’espèces dans une zone, entraînant une augmentation de la demande et des hausses de prix ou des pénuries de biens et de services.
Les acteurs humanitaires peuvent atténuer ces risques de plusieurs façons :
- Réaliser une évaluation approfondie du marché avant de commencer l’intervention, en utilisant l’un des outils de la boîte à outils pour la qualité des programmes du CALP.
- Prendre en compte la taille de l’économie locale. Dans la plupart des cas, les craintes d’inflation sont infondées car le volume des transferts monétaires humanitaires ne sera probablement pas suffisamment important par rapport à d’autres facteurs économiques.
Une gestion efficace des risques est essentielle à tout programme humanitaire – dans certains cas, la perception du risque est supérieure au risque réel. De plus, avec des mesures d’atténuation efficaces, les risques peuvent être aussi faibles, voire inférieurs, que ceux posés par d’autres formes d’aide.
Une évolution des mentalités est nécessaire pour passer de l’aversion au risque à une gestion des risques afin de simplifier la prise de décisions et mettre en place des interventions en transferts monétaires sûres et efficaces.