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Le b.a.-ba des transferts monétaires : tout ce que vous devez savoir

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De l’argent, voilà ce que je veux

Les personnes en situation de crise nous disent qu’elles ont besoin d’argent, mais les technocrates affirment que le transfert d’espèces est une « modalité » et non un « besoin ». Dans ce blog, Ground Truth Solutions affirme que cela n’a pas d’importance.

26 mai 2023 — De Meg Sattler, Hannah Miles , Rieke Vingerling

Youlka, a mother hosting a refugee in her home, shops at the Dapaong market with money provided by WFP as part of WFP's cash distribution to vulnerable populations affected by food and nutrition insecurity in the Savannah and Kara regions, taking her stock of fortified infant flour for the nutrition of her child aged 6 to 36 months.

C’est devenu un scénario familier pour nous. Nous avons parlé à des centaines, voire des milliers de personnes touchées par une crise, et nous présentons les besoins non satisfaits qu’elles décrivent elles-mêmes à une salle remplie d’humanitaires fatigués. Nous rapportons très souvent que “le transfert d’espèces” est le besoin non satisfait le plus souvent cité par les personnes à qui nous avons parlé. Beaucoup acquiescent, certains avec un sourire complice qui dit « bien sûr que c’est le cas », soit satisfaits que nous l’ayons rapporté, soit irrités que nous ayons présenté quelque chose d’aussi évident. Mais il y a généralement au moins un spécialiste technique dans la salle qui s’écrie, horrifié : « Mais le transfert d’espèces n’est pas un besoin, c’est une modalité ! C’est une modalité ! »

Certains disent que nous ne devrions pas donner aux gens la possibilité de choisir le transfert d’espèces parmi un groupe de « besoins » comprenant des choses comme la nourriture ou la santé, parce que l’argent liquide n’est qu’un moyen d’obtenir ces choses. D’autres disent qu’il est stupide de laisser les gens choisir le transfert d’espèces, parce que, bien sûr, ils le choisiront, mais cela n’aide pas les humanitaires à comprendre quels sont leurs besoins réels, sectoriels, approuvés par l’organisation de l’aide. Comment peuvent-ils alors concevoir leurs programmes ?

Mais il ne s’agit pas de demander aux gens de choisir dans une liste qui segmente leur expérience dans des cases nettes et faciles à remplir pour les prestataires.

Lorsque nous interrogeons les gens sur leurs besoins, nous ne leur donnons pas de liste à choisir, car nous voulons savoir ce qu’ils veulent vraiment, avec leurs propres mots. Et dans leurs mots, le transfert d’espèces figure en bonne place. Dans le nord-est du Nigeria, le transfert d’espèces est le besoin non satisfait le plus souvent mentionné par 60 % des personnes interrogées. En Somalie, il est le deuxième besoin non satisfait le plus important après la nourriture. Les gens ne pensent pas à ce dont ils ont besoin par secteur et, à GTS, nous ne le faisons pas non plus. Lorsque les gens ont subi un choc, beaucoup d’entre eux (des milliers en fait) disent que le transfert d’espèces est un besoin non satisfait parce que c’est le cas dans leur vie.

Prenons l’exemple de l’Ukraine, où les gens disent qu’ils ont besoin d’argent parce qu’ils ne peuvent plus en gagner. Ou au Nigéria, où les gens vendent les coupons qu’ils ont reçus pour acheter de la nourriture parce qu’ils pourraient mieux utiliser l’argent, même à une valeur de transfert inférieure, pour acheter d’autres choses. Selon une étude, 70 % des réfugiés syriens en Irak ont vendu la totalité ou la majeure partie de leurs rations alimentaires afin d’obtenir l’argent nécessaire pour acheter ce dont ils avaient réellement besoin. En réalité, de nombreuses personnes en situation de crise ne savent pas toujours ce qu’elles feront de l’argent une fois qu’elles l’auront reçu. Les besoins évoluent souvent rapidement et les priorités changent. Un événement inattendu peut survenir – un problème de santé, une augmentation de loyer – et les gens savent qu’ils ont besoin d’un tampon (de l’argent) pour y faire face. Les besoins et les préférences varient considérablement d’un endroit à l’autre et d’une famille à l’autre. Les personnes en situation de crise doivent faire des choix impossibles, comme sauter un repas pour envoyer un enfant supplémentaire à l’école. Ces choix sont profondément personnels.  Le fait de disposer d’argent liquide plutôt que d’un menu limité d’options donne à chaque famille un véritable choix et permet d’apporter une aide réellement axée sur les personnes.

Ces données de l’UNICEF en RDC montrent l’énorme variation dans la façon dont les gens choisissent de dépenser le transfert d’espèces, même dans une petite zone géographique.

Varied spending choices in the Democratic Republic of the Congo
Des choix de dépenses variés en République démocratique du Congo

« Beaucoup d’hommes servent en première ligne dans l’armée, et les femmes doivent donc s’occuper seules de leur famille. Le manque d’argent et la hausse des prix sont des problèmes urgents, et l’aide financière permet aux gens d’acheter exactement ce dont ils ont besoin ». – Représentant de l’Association pour le développement démocratique, Ukraine.

« Vous savez, l’argent détermine la vie, la survie et tout le reste ; nous avons besoin de capitaux pour créer des entreprises ou acquérir des compétences. Nous avons des entreprises que nous avions l’habitude de gérer, mais la plupart d’entre nous n’ont pas le capital nécessaire pour continuer. » – homme déplacé, État de Borno, Nigeria.

Nous comprenons l’angoisse des spécialistes techniques. Ils veulent faire de leur mieux pour que les bailleurs de fonds et les programmateurs humanitaires comprennent les besoins les plus urgents des populations afin de pouvoir y répondre. Mais au lieu de demander aux gens de cocher des cases sectorielles lorsqu’ils font état de leurs besoins non satisfaits, que se passerait-il si nous écoutions tout simplement ? Si nous le faisions, nous entendrions une forte proportion de personnes exprimer un besoin d’argent liquide afin qu’elles puissent définir leurs besoins au fur et à mesure qu’ils se présentent, établir des priorités comme elles l’entendent et rester flexibles au fur et à mesure que les choses changent. Pour une raison ou une autre, en 2023, nous sommes toujours obligé.e.s d’expliquer pourquoi le transfert d’espèces est la solution, dans un système d’aide où la croissance des transferts monétaires ralentit au profit de coupons plus traditionnels et de l’assistance en nature.

Le système humanitaire est construit sur des lignes sectorielles, ce qui signifie que les emplois et les flux de financement dépendent de la dissection des besoins humains dans des cases bien définies. Mais nos données nous montrent depuis longtemps les problèmes posés par des approches telles que l’ « argent contre nourriture » et d’autres programmes de transferts monétaires sectoriels qui représentent une nouvelle tentative inefficace de contrôler ce que les gens achètent et la façon dont ils établissent leurs priorités.

Et pourquoi essayer de les contrôler ? Pas pour le bien-être des bénéficiaires. Nous savons que les transferts d’espèces n’entraînent pas de dépenses inconsidérées en alcool et autres « biens de tentation », mais qu’ils réduisent en fait ces dépenses dans l’ensemble. Certainement pas pour correspondre aux modèles de rapports des bailleurs. La plupart des bailleurs se sont prononcés en faveur d’une augmentation de transferts d’espèces non affectés. Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement accepter que nous donnions de l’argent aux gens, pour qu’ils l’utilisent comme ils l’entendent, et nous en accommoder ?

Les volumes de transferts d’espèces distribués dans les situations d’urgence ont plus que doublé depuis 2016, approchant les 6 milliards de dollars au niveau mondial. C’est une bonne nouvelle, mais les transfert d’espèces ne représentent encore environ que 19 % de l’aide totale fournie, ce qui est loin des 37 à 42 % qui pourraient être atteints si les transferts d’espèces étaient utilisés comme modalité par défaut chaque fois que cela est possible et approprié.

Nous devons nous remettre en question. Si la dignité et la décolonisation sont des objectifs honnêtes de la communauté humanitaire, le pouvoir de décision doit être transféré à ceux qui font de leur mieux pour sortir leurs familles de la crise et leur donner un sentiment de sécurité. Soit nous nous engageons à les aider à le faire en fonction de leurs priorités, soit nous nous résignons à un système qui perpétue les déséquilibres de pouvoir et étouffe l’action.

Nous avons décidé d’écouter les personnes concernées, et non les technocrates. Comment pourrons-nous jamais tenir le discours sur la dignité, l’aide centrée sur les personnes et le transfert de pouvoir dans le secteur humanitaire si nous n’avons pas fondamentalement confiance dans le fait que les gens savent ce qui est bon pour eux ? Est-ce que c’est « centré sur la personne » que de demander à quelqu’un quels sont ses besoins, puis de lui dire que le besoin qu’il a exprimé n’est pas le bon ?

Ainsi, avec tout le respect que nous devons à nos collègues techniciens qui travaillent dur partout dans le monde, que continuerons-nous à faire lorsque les gens nous diront que le transfert d’espèces est leur premier besoin ?

Nous les croirons.

À propos des auteures

Hannah Miles from Ground Truth Solutions
Hannah Miles
Rieke Vingerling from Ground Truth Solutions
Rieke Vingerling
Meg Sattler from Ground Truth Solutions
Meg Sattler

 

 

 

 

 

Meg Sattler, Hannah Miles et Rieke Vingerling travaillent toutes trois à Ground Truth Solutions, une organisation non gouvernementale internationale qui vise à placer les personnes touchées par une crise au centre des décisions qui affectent leur vie. L’une des initiatives de Ground Truth Solutions est le baromètre des transferts monétaires, qui s’adresse aux bénéficiaires de l’assistance monétaire pour savoir comment ils vivent l’aide qu’ils reçoivent et connaître leurs recommandations à l’intention des acteurs humanitaires.

Image principale

Youlka, une mère accueillant un.e réfugié.e chez elle, fait des achats au marché de Dapaong avec de l’argent fourni par le PAM dans le cadre de la distribution d’argent aux populations vulnérables touchées par l’insécurité alimentaire et nutritionnelle dans les régions des Savanes et de la Kara au Togo. Elle prend son stock de farine infantile enrichie pour la nutrition de son enfant âgé de 6 à 36 mois. Crédit : PAM/Richard Mbouet. Avril 2023.

 

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