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Le b.a.-ba des transferts monétaires : tout ce que vous devez savoir

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Quand on est du côté de ceux qui reçoivent : pourquoi les coupons manquent de dignité et ne sont pas qualitatifs

Innocent Tshilombo, qui a passé 10 ans dans le camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya, décrit comment subordonner des conditions aux transferts monétaires peut sérieusement affecter leur efficacité.

22 septembre 2021 — De Innocent Tshilombo

À propos de l’auteur

Innocent Tshilombo
Innocent Tshilombo

Il y a 10 ans, Innocent Tshilombo a quitté la RDC et a principalement vécu dans le camp de réfugiés de Kakuma depuis lors. Au sein de ce camp, il a fondé Kakuma Ventures. En 2020/2021, il a poursuivi ses études en Master en action humanitaire au Centre d’études humanitaires Genève. Ce cursus comprenait des modules portant sur les transferts monétaires, l’incitant ainsi à rédiger ce blog : une réflexion sur son expérience en tant que bénéficiaire d’une assistance.

Mon expérience de l’assistance en espèces

Je suis arrivé au Kenya en 2009 après avoir quitté la RDC. Au cours des 10 dernières années, j’ai principalement vécu dans le camp de réfugiés de Kakuma. Kakuma est un camp situé dans le nord-ouest du Kenya où le PAM – Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies distribue chaque mois des coupons électroniques et apporte une assistance en nature via trois centres de distribution alimentaire gérés par leurs organisations partenaires, afin de répondre aux besoins d’une population de 157 539 personnes.

J’expose ici le point de vue d’un bénéficiaire ayant fait l’expérience de recevoir une assistance en nature et qui a vu l’introduction des coupons électroniques dans l’assistance fournie. Je pense que l’assistance en espèces offre un certain rapport qualité/prix et davantage de souplesse en proposant des options aux bénéficiaires, en préservant leur dignité par comparaison avec une assistance en nature.

Toutefois, les objectifs des organisations humanitaires, en fournissant des transferts monétaires spécifiques à des secteurs, limitent les bénéfices de l’assistance en espèces pour les bénéficiaires.

Avec le temps, la situation s’est considérablement améliorée. Toutefois, réceptionner l’aide en nature dans le camp de réfugiés de Kakuma nécessite toujours 2 à 4 heures et s’apparente à une lutte pouvant décourager certains bénéficiaires de récupérer leur aide, préférant éviter le cauchemar de s’exposer à la brutalité du personnel de sécurité, certains d’entre eux donnant la priorité à leurs parents et amis pour être servis en premier. Les gens peuvent parfois être si frustrés par le processus de collecte qu’ils en manquent la distribution et qu’ils loupent un panier mensuel de denrées en nature.

Il y a quelques années, l’assistance en nature a été partiellement interrompue et remplacée par un coupon alimentaire électronique mobile, localement connu sous l’appellation « Bamba Chakula » (« obtenez votre nourriture » en Swahili). Le retrait de l’assistance en nature constituait un prérequis pour prétendre à bénéficier du Bamba Chakula. C’est pourquoi, manquer de récupérer l’assistance en nature entraînait la perte de son éligibilité pour recevoir un Bamba Chakula. Ce prérequis accentuait davantage la vulnérabilité de ceux qui ne se sentaient pas en sécurité aux points de collecte ou de ceux qui ne pouvaient pas récupérer leur aide en nature pour une raison ou pour une autre.

Le PAM et ses partenaires étaient les seuls à distribuer des coupons électroniques ciblant tous les foyers du camp. Le coupon électronique était pensé pour répondre à des objectifs spécifiques destinés à permettre aux gens d’acheter des denrées fraîches qui n’étaient pas disponibles en nature dans les centres de distribution alimentaire, comme le lait, la viande, les légumes et les fruits.

Les restrictions et les prérequis associés au Bamba Chakula étaient synonymes de moins de souplesse et de choix, d’un rapport qualité/prix médiocre et amenuisaient la dignité du bénéficiaire.

Les restrictions et les prérequis associés au Bamba Chakula étaient synonymes de moins de souplesse et de choix, d’un rapport qualité/prix médiocre et amenuisaient la dignité du bénéficiaire.

Les gérants des quelques magasins pré sélectionnés par le PAM pour participer au programme des coupons électroniques ont davantage durci les restrictions et les conditions ouvrant droit à l’obtention d’un Bamba Chakula. Il arrivait que les restrictions portant sur l’objet de l’achat réduisent la valeur du coupon électronique. Dans le cas où un bénéficiaire devait acheter un article qui n’était pas couvert par un Bamba Chakula, le commerçant dévaluait aléatoirement le coupon électronique jusqu’à 60 % de sa valeur effective en espèces. D’un autre côté, seuls quelques magasins participaient au programme des coupons électroniques, les bénéfices économiques des échoppes locales qui y adhéraient créaient une nouvelle forme d’inégalité de marché ainsi qu’un avantage concurrentiel déloyal entre les commerçants. En effet, ceux qui participaient au programme des coupons électroniques faisaient des bénéfices par rapport à ceux qui n’y adhéraient pas. Qui plus est, un Bamba Chakula devait être utilisé dans une période inférieure à 7 jours. Passé ce délai, le compte mobile était vidé de sa valeur, ne laissant aucun avantage à son utilisateur final au-delà de la période de validité du coupon électronique.

Dans les camps de Kakuma, la population de réfugiés est confrontée à des inégalités évidentes. L’aide ne devrait pas accentuer ces inégalités.

L’introduction de coupons électroniques restrictifs et conditionnels est perçue comme une strate supplémentaire de contraintes imposées aux réfugiés. Ceci arrive en tête des contraintes existantes qu’impose la politique régissant les réfugiés au Kenya. À titre d’exemple, elle limite les rentrées régulières auxquelles un réfugié peut accéder et fixe un plafond aux revenus qu’un réfugié peut percevoir s’il est employé par une organisation du camp.

La situation à Kakuma témoigne de la façon dont de nombreux facteurs influent sur la conception d’un projet humanitaire. Les partis pris hérités, les perceptions habituelles en termes de responsabilité d’un bénéficiaire quant aux choix qu’il doit faire dans sa propre vie et le manque de preuves dans le secteur humanitaire ont une incidence sur leur mise en œuvre et leur suivi. De tels facteurs créent un obstacle évident au déploiement de l’assistance en espèces et ne permettent pas de dégager les bénéfices que ces espèces, qui prennent la forme d’une assistance, offrent en réponse aux besoins humanitaires.

L’assistance en espèces s’adresse aux bénéficiaires et ce sont eux qui portent la responsabilité fondamentale de décider ce qui est le mieux pour eux. Les interventions de type TM spécifiques à des secteurs, telles que celle proposée par le PAM à Kakuma, ciblées et limitées à l’alimentaire, devraient également comprendre des transferts monétaires à usages multiples pouvant être utilisés pour les denrées alimentaires et autres en fonction des besoins.

Le simple fait que les coupons électroniques soient limités à l’achat de denrées alimentaires ne signifie pas qu’une personne choisira toujours de dépenser son argent en nourriture, car elle doit tenir compte d’autres besoins. En revanche, cela signifie bien qu’elle est pénalisée en agissant de cette façon car cela entraîne une perte de valeur au cours du processus.

Les transferts monétaires restrictifs et conditionnels dupliquent une nouvelle forme de gaspillage des ressources comparable à la distribution de produits non souhaités qui sont parfois inclus dans les paniers d’aide en nature. Les stratégies sectorielles doivent être adaptées, afin de promouvoir un choix libéralisé en termes d’options, de souplesse et de dignité pour les bénéficiaires et ce, dans les domaines de l’éducation, de la sécurité alimentaire ou de la santé, tout en tenant compte des besoins en matière de protection.

Si vous n’avez jamais été du côté de ceux qui reçoivent une aide, vous avez de la chance. Mais si un jour, vous vous retrouvez dans cette situation, posez-vous la question : souhaitez-vous que d’autres personnes décident de ce que vous mangez et de la façon dont vous dépensez votre argent ?

Un grand merci à Innocent pour ce témoignage clair et captivant. Veuillez vous reporter à la boîte à outils pour la qualité des programmes du CALP Network, afin de soutenir le développement, la maintenance et l’examen de transferts monétaires de qualité.

 

 

 

 

 

 

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